Et "cent vingt" le temps des vingt ans
L'Atelier à la douzaine propose d'écrire un billet avec ces mots :
1 soupe
2 ternir
3 faillite
4 quatre
5 ortie
6 ornement
7 projectile
8 froisser
9 turquoise
10 ardoise
11 prince
12 canapé
et le 13ème pour le thème : vingt
Voici ma participation :✎
Le menu sur l’ardoise trônant au-dessus du comptoir
de l’établissement, annonçait :
Ce soir
Soupe d’orties aux lardons
Canapés frais au pain de mie et sardines
Vins et dessert
Le "Prince», encravaté et costume usagé, suivie de la "Princesse" arborant un caraco terni, blousant sur une jupette froissée, ouvraient la marche vers la bombance
Leur titre fastueux, venait du fait que Madame possédait une bagouse dont la pierre , imitation, turquoise,( importée du bazar "Tout A Un Euro" ), impressionnait l'assemblée. Cet ornement, sorte de m’as-tu-vu, piégeait son majeur boudiné.
C’étaient des parvenus tombés dans le dénuement, suite à des affaires foireuses.
Il n'empêche qu'ils affichaient leur outrecuidance sans état d'âme.
La bague faisait des envies parmi les sans-le-sou, qui les suivaient à distance.
La gente féminine ne se gênait pas derrière leur dos, pour lancer des remarques amères, comme des projectiles, qui ne les atteignaient cependant jamais.
Tous baissaient la tête, à la queue-leu-leu, vaincus d’avance et laissaient passer en premier ce couple bigarré, infatué de leur personne.
En fin de peloton, trois ou quatre vieillards, le nez rouge, dont on ne savait si cela était dû au froid ou à l’abus de picrate, avançaient en trainant les pieds sur des semelles usées.
Eux aussi maugréaient, entre leurs rares dents, contre ces prétentieux malotrus
Le défilé se déroulait sur un terrain en friches aboutissant à
un vieux bistroquet délabré qui avait survécu tant bien que mal, aux démolitions entamées tout azimut , épargné par miracle par la promotion immobilière.
Au fronton on y lisait
‘A L’estaminet’
De bonnes âmes du quartier, sous forme d’association caritative, en ouvraient les portes chaque dimanche soir pour servir aux indigents, un repas gratuit.
C’était un service comme au restaurant. Couverts assortis , verres luisants, serviettes en tissus sur des nappes un peu défraichies, mais que l’on sentait de qualité.
Puis le "Prince" et la "Princesse", après avoir dégusté ce repas réconfortant, se lançaient sur une piste empierrée ,attaquant une valse chaloupée , zonzonnée sur un vieux phono.
Chacun était ravi, oubliant ses rancœurs; les convives, un peu enivrés, s’abandonnaient au plaisir de la danse.
Le dimanche ils retrouvaient le tempo de leurs 20 ans.
La faillite de leur vie était oubliée sur des ♫♪ de musique.