Sacré Zébu
Le grand Peace, cheveux au vent sac à dos bardé de mille breloques tonitruantes, s’achemine, cahin-caha vers Katmandou
Love sa compagnonne cheveux épars, parsemés de marguerites fanées, le suit, trainant ses pataugas usés. Elle est abattue, les mollets courbatus, les muscles sans ardeur, complètement démoralisée.
Depuis 6 jours ils n’ont rien englouti, leur estomac crie grâce.
Soudain, là, au détour du chemin caillouteux qui n’en finit pas de monter, une zébute – une vraie peau de vache- leur fait obstacle, barrant la route de sa stature puissante, avec l’outrecuidance due à son statut d’animal vénéré
Armé de son Opinel, Peace tente de l’impressionner pour la calmer.
Il imagine déjà la traire pour s’approvisionner en lait - réputé très concentré-
Ses glandes salivaires stimulent de concert sa fringale.
Mais ce Sacré animal, fort de ses droits acquis à la sueur de ses cornes, gratte le sol d’un pied menaçant, et fait renfler sa bosse.
Nos deux hippies en restent baba, …cool évidement -
Cependant d’un naturel empathiques, (ils viennent d’un pays où la tauromachie elle aussi a ses droits,) nos deux tourtereaux en guenilles, épuisés, se mettent à genoux pour implorer la bête.
Les mains jointes il la salue bien bas en mouvements répétitifs.
Reprenant en chœur le célèbre Namaskar bien connus des autochtones :
« Je vous salue, je m’incline devant votre forme »
Des bonzes en procession jusque là pour leur rituelle quête matinale d’offrandes, s’illusionnent et les confondent avec des sages qui se seraient égarés .
Généreusement ils les emmènent à leur suite dans un temple népalais, assez laid, mais bien approvisionné.
Ce que je vous conte là, c’était dans les années 60.
Maintenant nos deux beatniks, cheveux rasés, y finissent leur vie.
Leur conception du bonheur, leur révolte contre la société de consommation, tout ceci est terminé,
Ils vivent dans une certaine opulence, profitent chaque jour du gite et du couvert, avec pour seule mission celle d’entretenir les clochettes de bronze des bonzes.
Un bémol cependant,
Si fumer n’est plus le viatique détériorant leurs poumons, la pollution qui sévit dans le coin hélas aura raison d’eux