Abandon
Ce matin à l’abord d’un rond point, dans un coin de campagne, j'ai aperçu deux chiens, de taille, couleur et race très différentes, mais en commun ils avaient un air de curieux aventuriers de véritables compagnons en goguette, on sentait un échange d’hostie entre eux
Je n’ai pas eu le temps de les prendre en photo, mais ils ont imprégné ma rétine à défaut de ma pellicule.
Cela m’a inspiré cette petite nouvelle.
Azor et Utack en ont assez d’ouïr leur maitre et maitresse, J et R, écrivaillons pour salon, élucubrant, délirant sur des mots qu’eux, quatre pattes ne comprennent pas.
Soit disant moins doués que les humains, ils ne reconnaissent que quelques ordres ou amabilité, selon le ton:
- ici, sois sage… couché… papatte…sussucre…gentil chienchien
Et les conciliabules hebdomadaires de leurs maitres respectifs qui se croisent dans un atelier d'écriture, ne les intéressent pas.
Ils en ont d’ailleurs ras la jatte, car pendant ce temps, ils sont privés de main chatouilleuse sous leur col.
Ils ont décidé de se venger, et ce matin, ils ont largué les jugulaires amarres.
Rendez-vous est donné, au moyen de leur signe gestuel cabalistique :
La queue trois fois à droite et une fois à gauche :
ca veux dire « on décampe »….
La rencontre a lieu vers Le Réverbère, cohorte habituelle pour toutous en goguette,
La vie est belle, le soleil est au rendez vous,.
Ils gouttent l'air via leur bulbe olfactif, le nez implorant le ciel.
Des phéromones messagères, titillent leurs papilles, on peut dirent qu’ils en bavent d’avance
Justement, devant la maison rose, cette joueuse Shih Tzu ferait bien l’affaire !
BCBG habillée top-chic, tenue en laisse par une maitresse qui n'a pas lésiné pour la décorer d’un ruban doré,, et qui garde l’œil vigilant , anticipant les embarras
Ils n’insistent pas ce n’est pas pour eux!
Et Hop ! Les voici traversant sans même regarder, un passage pour piétons.
Ouf ! Une voiture !, mais c’est un dingue qui conduit !
Il a failli ôter du museau les moustaches sensitives d’Utack
Vigilants, ils abordent la campagne, avec l’espoir de trouver montures à leur gout
Un confrère, Golden, ferme et droit sur ses pattes leur adresse un aboiement joyeux et vient sentir leurs appareils à chromosomes, mais sans agressivité, et zen , passe son chemin...
Plus loin, près d’une porte entrouverte, une écuelle attire leur regard scrutateur , aiguisé, par leur odorat, miam-miam cela sent bon la saucisse…
Une approche sournoise, mine de rien et vlan !
Ils happent vite fait ce méli-mélo de cochon, ,
Un jappement furibond, et délicat à la fois grrrrrrr…. les stoppe,
Une déesse paraît, une Bergère allemande, musclée et harmonieuse, les laisse pantois. Celle-ci , devant leur charme campagnard, estompe sa fureur et de ses grands yeux en amande, les invite à la bagatelle en se trémoussant … mais voila, ils sont deux, lequel choisir…
Lors, la jalousie semble visiter les deux comparses,
Non ce n’est pas possible, ils ne veulent pas briser leur vieille amitié,
Sacrifiant leur envie, ils repartent vers d’autres aventures oubliant la belle, et son regard déçu.
Il leur faudrait deux sœurs. Utopique pensée, existent-t-elles vraiment, dans cette contrée.
Ah si ils pianotaient sur Meetik, peut-être là, …?
Mais pour eux il n’en est pas question. La toile ne les intéresse pas, et ils n'ont nul besoin de GPS pour guider leur instinct.
Alors ils s’obstinent et poursuivent leur recherche du Graal canin.
Les voici devant un immense parc aux grilles en fer forgé.
Une superbe Barzoï noble et magnifique, belle Hélène de la Grèce antique, les salue de son regard doux et vif, intéressée de leur esprit d’escapade…mais elle est emprisonnée, point de cadenas en vue à ouvrir de leurs dents aiguisées.
Alors, quand vont-ils trouver l’âme sœur recherchée ?
Utack, veut y renoncer, mais Azor est rempli d’une acharnée volonté, et de plus il n’aime pas capituler.
Et les voici repartis, la queue en trompette courant dans les prairies.
Des aboiements au loin affriolent leur appétit d’amour. Ils galopent au plus pressé vers ces lieux prometteurs
Apparait soudain une immense bâtisse, insolite dans cette rase campagne,
une sorte de prison…des barreaux à toutes les fenêtres ?
Mais rien ne les rebute.
Abandonnée, envahies par les herbes, intuitivement, ils la flairent habitée par des congénères.
Finauds ils se glissent, entre les quatre planches pourries qui servent de clôture.
Aubaine, près d’un abri, deux chiennes se terrent.
Même « race » qu’eux, celle des corniauds…
Probablement filles d’un mâtiné ayant couvert une chienne de race, dont les chiots femelles ont été délaissés par des maitres égoïstes,
Elles se sont retrouvées ainsi dans ce chenil déserté…
Car c’en était un de chenil, à nommer plutôt mouroir pour chien, isolé, perdu, loin de tous les regards et toute âme qui vive.
Il avait eu une vie autrefois, mais faute de moyens il avait été désaffecté
Certes, les humains ont la parole, mais parmi eux combien sont ingrats vis à vis de la gente canine ?
Ce n’est pas le cas de nos deux compères.
Lors, prenant leur courage à deux pattes, illico, ils conjurent nos deux oubliées , avec maintes mimiques compréhensibles qu’entre eux, de les suivre.
Les pauvrettes, affamées, amaigries, sans hésiter, galopent alors allègrement vers la liberté
Ce sont de vraies jumelles, identiques et joliettes …
Dans l’instant, pas question de gaudrioles, c’est remis à un autre jour.
Rapidement, ils s'en retournent avec leurs deux captives consentantes et ravies…Chacun droit dans leurs niches respectives,
Sagement ils attendent leurs maitres qui, inquiets étaient partis à leur recherche…
Azor et Utack savent bien que trop heureux de les retrouver, ils accepteront leurs originales compagnes…
Et c’est ainsi que J. et R. ont eut en supplément deux bouches inouïes à nourrir….
Sans escompter la progéniture certaine à venir